Split Fiction

Le soucis quand on est un développeur qui fait un jeu extraordinaire qui va marquer beaucoup de joueurs, c'est que derrière, si on sort un jeu à peu prêt sur le même concept, il sera légitimement comparé au jeu qui a frappé les joueurs. C'est plutôt positif parce que ça veut dire que le premier jeu était tellement une réussite dans son genre qu'il en est devenu la référence, mais c'est négatif quand on n'arrive pas à remettre la même claque. Il y a quelques développeurs qui y arrive, je citerais vite fait de tête Nintendo par exemple avec la licence Zelda ou From Software, au moins un temps en ce qui me concerne. Je spoile un peu ma critique, mais le plus gros soucis de Split Fiction, c'est surtout qu'It Takes Two du même développeur est sorti avant lui.
Pschitt fiction
Split Fiction, comme les autres jeux du studio est un jeu exclusivement coopératif. Il n'est pas question ici d'un jeu jouable en coopération, il est bien question d'un jeu où vous ne pouvez tout simplement pas jouer sans un second joueur. C'est un concept ultra risqué parce que non, quoique vous fassiez, il ne sera pas possible de jouer à Split Fiction en solitaire. Ce n'est pas un jeu solo avec une option coopération, si vous n'avez pas d'ami, de famille ou juste un joueur de passage chez vous (c'est jouable online pour éviter les longs trajets) pour une quinzaine d'heures, vous pouvez faire une croix sur le jeu et vous ne saurez jamais ce que vous loupez.
Le jeu se présente comme n'importe quel jeu en vue à la troisième personne mais avec un écran coupé en deux systématiquement. Le socle principal du jeu est avant tout un jeu de plateforme avec double saut et bond vers l'avant en l'air mais une multitude de situations dépasseront heureusement le status de plateformer pour devenir plus que ça.
Vous êtes donc deux autrices qui débarquent chez un vilain éditeur qui au nom du capitalisme exacerbé a créé une machine incroyable qui va vous demander de rentrer dans celle-ci pour matérialiser virtuellement vos idées. L'une des deux autrices, méfiante tendance ado rebelle, va changer d'avis au dernier moment et donc se battre avec notre carricature de Bill Gates, puis le service d'ordre pour finalement se retrouver projetée dans la sphère mentale d'une autre autrice qui n'avait rien demandée et ça ne va pas bien se passer.
Là déjà on accumule pas mal de clichés. Je n'ai rien contre les clichés dans le jeu vidéo, surtout quand c'est pour offrir un bon jeu derrière, Link doit sauver la princess Zelda au hasard, mais là ça m'a semblé vraiment grossier. It Takes Two c'était l'histoire d'un divorce et le scénario ressemblait à n'importe quel romance de noël basique, mais c'était fait proprement et l'air de rien, j'avais trouvé l'idée de la malédiction vaudou mieux amenée. Là on a vraiment le patron geek à lunettes qui débarque, carricature d'un Bill Gates, la gamine rebelle qui n'est pas d'accord, on voit tout venir à des kilomètres et le jeu ne surprendra jamais sur ce point là. Sous réserve d'un minimum de culture, tout ou presque se devine des heures à l'avance, y compris la conclusion.
Split Opinion
Une fois dans la tête de nos deux héroïnes dont les idées et l'imagination vont se mélanger par erreur, on passera la plupart du temps dans un monde d'heroic fantasy en alternance avec un monde de science-fiction.
Au milieu de ces deux façons d'imaginer la fiction, on aura droit à quelques pensées annexes où l'on découvrira des idées dont le hors sujet n'a d'équivalent que la facilité à les déposer là.
C'est génial d'un point de vue découverte, ça ouvre la porte à n'importe quoi et concrètement, on tombe effectivement dans du n'importe quoi particulièrement rafraichissant. Mais d'un autre coté, ça a une odeur de facilité. Vu qu'on peut tomber sur n'importe quoi, on tombe sur des choses qui n'ont aucune cohérence avec la trame de base, aucune justification autre que "j'ai imaginé ça quand j'avais 6 ans", c'est parfois jouissif à jouer et ça offre sans doute des séquences dont l'inutilité n'a d'égale que la banane que ça vous colle, certaines sans doute jamais vues avant mais sans réel fond et finalement quand on se dit que n'importe quoi aurait pu en sortir, on est triste quand on décoche le succès qui nous dit qu'on les a toutes faites. Mais surtout, je me rappelle qu'It Takes Two arrivait à faire la même chose, voir bien mieux, tout en restant cohérent avec la ligne directrice, en justifiant tout comme il le pouvait et que tout tenait la route dans un univers magique et varié avec en prime tout un tas de mini jeux sortis de nulle part pour changer un peu.
Split Friction
Il y a autre chose qui m'a dérangé dans Split Fiction, c'est la relative difficulté du jeu. Le jeu est globalement simple, les séquences annexes sont parfois à la limite du passif, mais par contre, jouant avec ma fille, j'ai parfois ressenti des gros moments de frustration. Vous allez me dire que je suis juste un casu frustré, c'est possible, mais quand on joue à deux, la frustration est doublé car il est parfois difficile de savoir si on a fauté ou si l'autre a fauté et justement ce style de gameplay coopération donnait l'impression sur It Takes Two d'être surtout là pour qu'on y passe un bon moment en compagnie d'un tier et c'était le cas. It Takes Two avait quelques passages plus corsés mais arrivait selon moi à mieux les distiller et à mieux les équilibrer. Je ne compte plus les fois sur Split Fiction où j'ai eu la désagréable impression de die & retry, c'était obligé que je meurs à tel endroit au moins une fois ou deux et malgré avoir fait trois fois It Takes Two, je n'ai aucun souvenir de frustrations de ce genre dessus, juste quelques boss un peu plus retors.
Split Pardon
En me relisant, je me dis qu'on dirait que je démolis le jeu et on dirait presque que je n'y ai pas passé un très bon moment. Mais ça ne fait que souligner la pertinence de mon introduction. Split Fiction serait sans doute un jeu exceptionnel sur tous les points si je n'avais pas fait It Takes Two avant. Ca reste une expérience géniale mais au final un chouillat décevante pour ceux qui comme moi vouent un culte à It Takes Two sur sa "perfection". Mais vu que le concept du jeu à deux obligatoire et équilibré comme ça reste très rare, on reste selon moi face à une perle.
Il y a eu un moment avec ma fille où j'ai réussi à enchainer sept heures de jeux (13h-20h) sans décoller (sauf pause pipi). Et si on omet le mal de crâne qui s'en ait suivi pour moi, faute à un paquet de séquences à vue d'œil développées pour éradiquer les épileptiques de la planète, soutenu par une tension quasi permanente, je pense que ça reste une bonne preuve qu'il faut faire le jeu.
Disons juste qu'It Takes Two était un jeu tellement fabuleux qu'il méritait qu'on trouve un deuxième joueur pour le faire. Une fois qu'on a trouvé ce deuxième joueur, Split Fiction est sans doute le meilleur jeu à faire avec lui.
Conclusion
8Split Fiction est sans conteste un très bon jeu, le risque pris par le studio à nous sortir des jeux pensés exclusivement pour être joué à deux est une fois de plus une réussite. Certaines séquences sont incroyables et jamais vues avant dans le jeu vidéo. Le seul gros soucis de Split Fiction, c'est que son fil rouge est une montagne de clichés prévisibles et surtout, qu'It Takes Two avait tout fait mieux avant sans ressentir le même sentiment de facilité. Ca reste un super jeu que je ne peux que conseiller. Par contre, si vous avez trouvé un ami pour jouer à deux, faites It Takes Two juste après.